(juillet 2008, New-York)
Il regarde une dernière fois le porche de la maison, les volets à présent clos et le portail du jardin qui se referme derrière son père. Ce dernier monte dans la voiture et démarre sans attendre, direction l'aéroport. Les kilomètres qui séparent New-York de Fairview sont nombreux. Aucun mot ne sort de sa bouche, ni de celle de sa jeune soeur. Habituellement, sa mère aurait sûrement dit quelque chose, elle n'aimait pas tant que cela les longs voyages. Ainsi, elle préférait largement les passer dans le vacarme que dans un tel silence. Mais elle n'est plus là pour imposer cela. Elle est partie et c'est également la raison pour laquelle ils quittent actuellement leur ville d'origine. Jamais il ne reviendra. Il ne reverra pas de si tôt ses camarades new-yorkais et va devoir s'habituer à une toute nouvelle ambiance scolaire. Heureusement pour lui, ses années de lycée sont terminées depuis quatre ans. Il va pouvoir débuter ses dernières années d'études d'ingénieur du son là-bas. Un point positif dans l'histoire, c'est déjà ça. Il jette un coup d'oeil rapide à sa soeur, Heather. Les choses vont être également ardues pour elle. Ce nouveau départ ne peut pourtant que lui être bénéfique. Il a essayé de lui faire comprendre que cet accident n'était point sa faute. Que justement, ce n'était qu'un accident. Mais il conçoit que cela ne doit pas être simple. Alors il essaye d'être présent pour elle. Ce n'est pas forcément dans son caractère mais il tente de se forcer, car elle en a besoin à tout prix.
(mois année, Fairview)
Grayson toque à la porte et remarque que cette dernière n'est pas complètement close. Il s'avance alors prudemment, la pousse et jette un coup d'oeil furtif dans le hall. "
Baby, t'es là ?" Aucune réponse ne lui parvient. Grayson entre donc définitivement et referme la porte derrière lui. Ses pas le guident dans la kitchenette mais elle ne se trouve toujours pas ici. Le salon est tout aussi vide. Le jeune homme entend soudainement du bruit à l'étage et un sourire s'installe sur ses lèvres. "
Baby c'est moi !" Il grimpe les marches prestement et s'empresse de rejoindre le couloir menant à la chambre de la demoiselle. Il sait qu'elle termine le boulot plus tôt aujourd'hui et c'est la première fois que cela lui arrive à lui. L'idée de passer la voir lui a donc sauté aux yeux et le voici à présent devant la porte de la chambre de sa petite-amie. Sa bonne humeur ne l'a pas quitté et il aperçoit sa chevelure brune dans l'embrasure. Il parvient jusqu'à elle et passe ses bras autour de sa taille. Ses lèvres viennent se poser délicatement au creux de son cou, lui permettant ainsi de se délecter de son parfum framboise qu'il aime tant. "
Qu'est-ce que tu fais là ? Tu ne travailles pas normalement ?" Grayson sent qu'elle tente de masquer sa voix tremblante par une attitude réjouie. Elle se retourne alors vers lui dans un même temps. "
Je pensais avoir un meilleur accueil mais bon..." Il observe sa main rejoindre sa nuque nerveusement. "
Je suis désolée, excuse-moi." "
Quelque chose ne va pas ?" C'est là qu'il remarque enfin sa tenue. Cela peut paraître idiot, mais avec elle, Grayson n'est pas comme les autres. Il se sent différend, véritablement lui. Elle illumine chacune de ses journées par ses sourires, par sa présence. Il ne se passe pas un jour sans qu'il lui rappelle son amour. Oui, car ce grand jeune homme de vingt-six ans a avoué son amour à cette jeune femme. Chose rare à cet âge-là. Et pourtant, il a osé. Bien évidemment, la peur lui tiraillait le ventre et il crut bien mourir sur place une centaine de fois mais il l'a fait. Pour elle. C'est donc pour cela qu'il n'a pas jugé bon de se préoccuper du fait qu'elle ne soit vêtue que d'une simple chemise. Morceau de tissu paraissant d'ailleurs bien trop grand pour son petit gabarit. "
T'as chaud ?" Son ton est agressif et son regard l'est tout autant. "
Non, je... Pourquoi dis-tu ça ?" Grayson ne laisse pas entrer cette voix à la mélodie tremblante en lui. Il préfère seulement la contempler se confondre dans ses mensonges. "
Avec qui tu étais ?" "
Mais qu'est-ce que tu racontes Grayson, je n'éta..." "
Arrête de te foutre de moi !" Son cri a presque fait trembler les murs. Il peut voir les larmes apparaître au creux des pupilles de Baby. Ses mains se serrent frénétiquement et son regard cherche le moindre indice qui pourrait la trahir encore un tout petit peu. Et là, sous le bureau, il peut clairement apercevoir une chaussure noire, cirée à la perfection. "
Où est-il ?" "
Grayson non..." "
Où est-il ?!" Le seul endroit qui lui saute aux yeux se trouve être le placard de la jeune femme. Il s'en approche à grand pas. Quand il sent les mains de Baby tenter de le retenir, il sait qu'il est sur la bonne piste. Il ouvre le placard d'un geste brusque et sec et se trouve alors devant un homme qu'il ne connait pas. Son visage est déformé par la fureur. Le premier coup part directement, sans prévenir. Il ne peut pas s'en empêcher. Un second le suit instinctivement. "
Grayson arrête !" Il ne l'entend plus. Ses oreilles bourdonnent inlassablement. L'homme tombe rapidement à terre face aux coups qui s’enchaînent rapidement. Un petit rire échappe à Grayson après un énième coup de pied. Il se tourne vers Baby, dont les larmes semblent faire affluer le sang jusqu'à l'épiderme de ses joues. Un hale roque transperce ses lèvres et elle le regarde avec effrois. Il ne parvient pas à lui décrocher un mot. Il la pousse d'un coup d'épaule juste pour avoir le loisir de quitter l'endroit. Il descend à une vitesse inimaginable au rez-de-chaussée et claque la porte d'entrée avec violence.
(mois année, Fairview)
Il observe sa main lentement. La tourne et la retourne sans relâche. Les larmes ne parviennent pas à couler et c'est tant mieux. Elles lui font mal, lui transpercent le coeur de l'intérieur mais il ne veut surtout pas pleurer pour elle. Elle ne mérite pas. Personne ne mérite ses larmes. Sur la table devant lui se trouve une photographie. Il peut observer son sourire à loisir. Il l'attrape de sa main blessée et froisse le papier brutalement. Ses phalanges le tiraillent quelque peu mais il n'y prête toujours pas attention. Il a l'impression que chacune des expression de son visage n'a été que mensonge durant tout ce temps. C'est la première fois qu'il restait autant de temps avec une fille. Et qu'il avouait ses sentiments à une fille. Ses véritables sentiments. Pas de simples paroles en l'air comme elle lui a dit. Son poing se contracte à cette naïve pensée. Il se sent idiot, voire pire que cela. Heureusement que personne ne le voit actuellement, il sait pertinemment que toute la pitié du monde serait sur lui. La sonnerie de son portable résonne soudainement. Aucun soubresaut ne le secoue et il se lèvre sans réfléchir pour voir qui cherche à entendre sa voix. Au fond de lui, il espère voir le nom de "Baby" affiché sur l'écran. Pour ne pas être dans l'obligation de répondre. Mais ce n'est pas cette dernière, c'est sa soeur qui souhaite lui parler. Il n'oppose aucun refus et se saisit de l'objet. Son père fait encore des siennes. Il la jette carrément dehors. Il ne peut pas ne pas réagir. Sa raison l'importe fort heureusement en tant que frère. "
J'arrive." Il raccroche rapidement. Jetant un coup d'oeil à sa main droite, il passe seulement un peu de pommade dessus avant de quitter son appartement.