Assise en tailleur dans mon lit, le vibreur de mon téléphone portable m’arracha à mes pensées.
ANDY > Alors feu vert ? tu viens ?
MOI > Yep. Je crois que c’est bon. J’arrive.
ANDY > ok à tte
En prenant soin de ne pas faire de bruit, je descendis de mon lit, enfilais une veste et mes baskets. Dereck devait dormir maintenant, mais je ne voulais prendre aucun risque. Avec précaution, je levais le loquet de ma fenêtre – heureusement que j’étais au rez de chaussée – et la fis coulisser doucement. La brise fraiche de la nuit balaya mon visage, et j’esquissais un sourire. L’adrénaline de l’interdit me tendait les bras et la nuit m’appartenait. Dans ces moments-là, je me sentais vivante et oubliais que j’étais orpheline depuis quelques mois déjà. Andy était un pote du lycée, il habitait à quelque pâté de maisons. Il avait un an de plus que moi, était mignon et de surcroit avait une voiture. Bref, c’était LE bon plan du moment pour mes évasions nocturnes.
Tandis que j’arrivais dans la rue, prenant garde de ne pas me faire repérer par les voisins, une voiture arriva au ralenti à mon niveau. Mon chauffeur était pile poil à l’heure.
«
- Tu m’emmènes où ce soir ? » demandais-je tout en attachant ma ceinture.
«
- Y a une fête de l'autre côté de la ville. Des universitaires. Mon frère en est, on va se taper l’incruste. - La grande classe quoi ! »
Je savourais déjà intérieurement la suite des évènements.
Quatre heures plus tard…Finalement, je mettais réjouie un peu trop vite. L’alcool coulait à flot, et Andy était complètement ivre. J’avais envoyé promener une bonne douzaine de gars dans un état similaire voir pire. Pas très flatteur comme situation. Et la vision d’Andy luttant pour conserver son équilibre tout en cherchant ses clés de voiture m’acheva.
«
- Et merde ! » maugréais-je tout en me dirigeant d’un pas agacé vers mon camarade.
«
- File-moi tes clés, t’es pas en état de conduire, je vais le faire. »
Andy me toisa d’un air goguenard.
«
- T’as même pas ton permis, laisse donc faire l’homme. - L’homme ? me récriais-je, manquant de m’étrangler.
T’es complètement bourré, tu vas nous tuer si tu prends le volant. Et je te signale que je sais conduire. C’est mon père qui m’a appris. »
Sans attendre une autre réflexion de sa part, je lui arrachais presque les clés des mains, et le poussais sans ménagement vers le côté passager.
«
- Et t’avise pas de vomir, ou je te laisse sur le bord de la route espèce de soiffard . » lançais-je tout en claquant la portière.
Le reste de la soirée aurait pu être moins désastreux. Çà aurait dû se passer à merveille. Je ramenais Andy devant chez lui, et rentrais chez moi à pied. Ni vu ni connu, et étant donné que je n’avais pas bu un gramme d’alcool, je savais que j’étais capable de le faire. J’avais appris à conduire alors que j’avais à peine les jambes assez grandes pour toucher les pédales. C’était un jeu d’enfant pour moi. Ne manquait que le permis. Mes parents n’avaient pas eu le temps de me l’offrir et Dereck ne semblait pas emballé par cette perspective non plus…. Bref.
Mais alors que je venais de quitter la rue où se déroulait la fête et de m’engager sur l’avenue principale, un coup de sirène et un gyrophare bleu et rouge dans le rétroviseur me firent sursauter. Ah je voulais de l’adrénaline… ben là j’étais servie. Un peu trop peut-être ? Le cœur battant à la chamade, j’obtempérais et me garais sur le bord du trottoir – avec le clignotant, attention !
«
-On est mort, on est mort » gémis-je la tête entre mes mains, nez dans le volant.
«
- Hein ? Quoi ? »
Oh que oui… Andy était ivre mort, je n’avais pas le permis… et ce flic n’allait certainement pas fermer les yeux comme çà… à moins que…
«
- Baissez votre vitre mademoiselle, police .» L’agent était juste là. Je n’avais plus le choix. Expirant profondément, je plaquais mon plus beau sourire sur mon visage, et arrangeais un peu mes mèches folles.
«
- Un problème monsieur l’agent ? »demandais-je une fois la vitre baissée, avec mon expression la plus détachée et angélique possible. «
Mon ami a trop bu, donc je me permets de le ramener, il habite à côté de chez moi, de l’autre côté de la ville. »
Autant être franche. De toute manière, c’était flagrant qu’Andy n’était pas frais du tout.
«
- Et vous je suppose que vous n’avez rien bu ? On connaît les fêtes de ce genre, surtout dans ce coin. Je vais vous demander les papiers du véhicule ainsi que votre permis de conduire. »
Le rouge me monta aux joues au mot « permis ». Fébrilement, je cherchais les papiers dans la boîte à gant.
«
- On est dans la merde… » pleurnicha Andy dans un sursaut de lucidité.
«
- La ferme Andy ! »
Je me tournais à nouveau vers le policier avec les papiers du véhicule et les lui tendit.
«
-En fait… je… j’ai oublié mon permis chez moi. C’est embêtant ? » Re-sourire angélique.
«
- Non, dites-moi votre nom, et je vais vérifier grâce au centrale dans la base de données si vous êtes bien détentrice d’un permis de conduire. »
Oups. Nouvel accès de panique. Gère ma grande, gère.
«
- Vous êtes vraiment sûr que c’est nécessaire ? Voyez bien que je suis sobre, et je vous jure que je me contente de le ramener à bon port…. Y a bien le moyen de s’arranger… - Et moi je pense que vous n’avez pas le permis mademoiselle. Et que vous essayez de m’amadouer. Alors vous allez me donner votre identité, votre âge et votre adresse. »
Plus la peine de paniquer, j’étais foutue. Dereck allait me trucider. Et j’étais bonne pour rester attachée et enfermée jusqu’à ma majorité. Et encore. Je sortis ma pièce d’identité de ma poche arrière de mon jean et la tendit à l’agent.
«
- Et en prime vous êtes mineur ? Vos parents savent que vous êtes là ce soir ? »
Mon cœur se serra à l’évocation des parents. J’aurais aimé oui qu’ils soient au courant.
«
- Non ils ne savent pas pour la bonne raison qu’ils sont morts. » marmonnais-je la gorge serrée.
Le policier marqua un temps d’hésitation avant de reprendre.
«
- Qui est votre responsable légal du coup ?- Mon oncle. Dereck Peters.- Et votre ami ? Il a des parents ? Il est mineur aussi ? »
Je donnais une bourrade à Andy pour qu’il se taise. Inutile qu’il nous enfonce avec une quelconque ânerie.
«
- Non il est majeur. Et oui il a des parents.- Très bien. Vous et votre ami allez venir avec moi. La voiture va rester ici jusqu’à demain, et je vais appeler votre oncle, ainsi que les parents de monsieur quand il aura dessaoulé. »
Bon gré mal gré, je m’extirpais de la voiture. Dereck allait m’en vouloir c’était plus que certain. J’allais en entendre parler de cette sortie désastreuse.