◮ damn', they kill kenny.

Il inspire une première bouffée d'oxygène, il s'appuie contre le mur du lycée et soupire. Il allume sa clope, la porte jusqu'à ses lèvres et puis pose son regard sur l'horizon. La cloche sonne, les élève sortent en courant, il reste stoïque, perdu dans la masse. Les cris des élèves viennent briser le silence dans lequel il se reposait, quelques instants plus tôt, et un nouveau soupire vient soulever ses lèvres. Il observe la masse s'extirper du préau et s'amuse à les comptes. Son regard se perd sur les hommes, sur les femmes, puis sur les professeurs qui ne tardent plus à rejoindre le groupe des élèves qui, déjà, se ruent près des transports publiques. Les bus se remplissent, Kenny reste stoïque, passif, léthargique. Presque comateux, il tire une nouvelle fois sur sa cigarette et inspire profondément. « Pathétique, n'est-ce pas ? » Kenny tourne lentement son visage pour déposer ses yeux dans ceux de son meilleur amie, Jonah. Un sourire se dessine aux coins de ses lèvres alors que, déjà, le jeune étudiant lui tend son paquet de Lucky Strike. « Y a certaines choses qui ne changeront jamais. » Kenny lui tend son briquet en soupirant, replongeant alors ses yeux sur la masse conforme des élèves toujours aussi bruyants. D'aussi loin que remontent ses souvenirs, jamais il ne s'est montré si excité à l'idée de rentrer à la maison après les cours, encore faudrait-il qu'il ait envie de retrouver ses parents. « Tu vas rentrer ? » « T'as autre chose à me proposer ? » « Yep. » Jonah sort de la poche arrière de son jean un flyer sur lequel est griffoné une adresse et le descriptif d'une fête plus ou moins privée loin de Fairview, dans un night club réputé pour l'effervescence de la drogue et de la décadante jeunesse qui s'y présente. Pas besoin d'être majeur pour y entrer. « Je conduis pour le retour, si tu veux. » Kenny frappe le torse de Keen' en riant doucement, achevant de fumer sa clope avant de l'écraser sur le mur contre lequel il se tenait. « Le temps de déposer mon sac au casier et d'inventer une excuse bidon pour mes vieux, et j'suis à toi. » Un rictus légèrement dessiné sur le visage du jeune étudiant qui déjà s'en va déposer ses affaires dans son casier. La soirée s'annonce intéressante, il suffira à Kenny d'inventer une leçon à réviser chez son ami pour que ses vieux n'y voient que du feu. De toute évidence, ils s'en fichent royalement de leur enfant, comme des centimes accolés au montant de leur compte en banque.


* * *

La sonette de la porte retentit, derrière le comptoir, Kenny se redresse sur ses jambes et défroisse son t-shirt. L'état semi-comateux dans lequel il venait de se plonger pour lire en biais les leçons qu'on lui avait donné s'affiche sur son visage, sur les cernes dessinées sous ses paupières à moitié close. « Bienvenue chez RedBedford. Je peux vous renseigner ? » Un sourire forcé sur le visage du jeune étudiant qui se retrouve aussitôt plongé dans l'univers faramineux du travail et des adultes. Un soupire las s'échappe de ses lèvres alors que le client semble ne pas prendre la peine de lui répondre. Secouant son visage, Kenny se rassiet derrière son comptoir et soupire à nouveau, déposant les yeux sur ses leçons. Il n'a jamais été très studieux pourtant, il en a les capacités. Ses notes sont au-dessus de la moyenne et s'il faisait preuve d'un peu de responsabilité et de maturité, il pourrait très facilemetn devenir vétérinaire, ouvrir son propre cabinet et exercer sa profession en toute légalité. Tout pourrait très vite devenir concret si seulement il s'en donnait les moyens. Ayant redoublé sa première classe, les révisions sont pour lui l'unique moyen de rattraper son retard considérable. Beaucoup trop bruyant, indiscipliné et mauvais garçon pour devenir l'élève modèle qu'on espèrerait trouver en lui, le jeune homme n'a jamais su se détacher entièrement de cette part d'ombre qui s'accroche à lui comme la tique s'accroche à votre corps. Lorsqu'enfin le client semble s'intéresser à Kenny, celui-ci remarque aussitôt l'étincelle lubrique avec laquelle on le dévisage. Un signe, comme toujours. Physique ravageur... ou pas, Kenny dégage une assurance qu'on lui envie, une assurance qui attire, forcément. Et lorsqu'un homme s'aventure trop près de la coquille dans laquelle se complaît le jeune adolescent, l'image typique du mec en pleine rebellion contre ses parents, c'est un nouvel homme qui fait surface. Un simple échange de regard, une seule question. « Vous avez des WC ? » Un sourire en coin et des sous-entendus qui prennent possession de la situation. « Dans l'arrière boutique, juste là. » Des toilettes accessibles qu'au personnel, pourtant, Kenny s'en sert souvent comme recoin lugubre pour ses passions destructrices. Lorsque l'homme en client contourne le comptoir pour se rendre aux WC, il frôle de son index le bras du jeune disquaire qui frémit d'impatience. Retournant la plaquette OPEN du store, il glisse ses mains dans ses poches et rejoint l'arrière boutique. Ce qui est hilarant lorsque votre boss vous fait suffisamment confiance pour vous confier la boutique, c'est que brusquement, vous vous sentez au-dessus des lois. Et pour la prochaine demi-heure à venir, Kenny restera maître de la situation, oubliant jusqu'à ses études et ses projets pour s'offrir au plaisir ravageur du corps et de la chair, s'abandonnant à ses démons pour devenir le délinquant qu'il a toujours été.